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JEUDI SAINT 24 MARS— LUNDI 4 AVRIL

LISBETH SALANDER PASSA la première semaine de sa cavale loin de tous les événements dramatiques. Elle restait tranquillement dans son appartement dans Fiskaregatan à Mosebacke. Son portable était coupé et la carte SIM enlevée. Elle n’avait plus l’intention d’utiliser ce téléphone-là. Elle suivait avec des yeux de plus en plus écarquillés les titres des éditions Web des journaux et les émissions des journaux télévisés.

Elle découvrit, très irritée, sa photo d’identité lancée sur Internet et bientôt mise en icône sur tous les sujets d’actualité à la télé. Elle avait l’air d’une folle là-dessus.

Après des années d’effort pour devenir anonyme, elle avait été transformée en la personne la plus connue et la plus publique du royaume. Avec une douce surprise, elle se rendit compte que la recherche à l’échelle nationale d’une fille de petite taille soupçonnée d’un triple meurtre était l’un des événements les plus sensationnels de l’année, à peu près du même niveau que les abus sexuels et financiers et le crime perpétré par le gourou de la secte de Knutby. Elle suivit les commentaires et les explications dans les médias, les sourcils pensivement levés, fascinée de voir que des actes frappés du sceau du secret concernant ses difficultés mentales semblaient accessibles à tous dans toutes les rédactions. Un titre réveilla de vieux souvenirs enterrés.

INTERPELLÉE POUR VIOLENCES A GAMLA STAN

Un reporter juridique à TT avait dépassé ses concurrents en mettant la main sur une copie de l’enquête médicolégale qui avait été faite après que Lisbeth avait été arrêtée pour avoir balancé son pied dans la gueule d’un passager à la station de métro Gamla Stan.

Lisbeth se souvenait très bien de l’incident dans le métro. Elle était sur le chemin du retour dans sa famille d’accueil temporaire à Hägersten. A Rådmansgatan, un homme qu’elle ne connaissait ni d’Eve ni d’Adam et qui semblait parfaitement sobre était monté dans la rame et l’avait immédiatement mise dans son collimateur. Elle avait appris plus tard qu’il s’appelait Karl Evert Blomgren, qu’il avait cinquante-deux ans et que c’était un ancien joueur de bandy domicilié à Gävle. Alors que le wagon était à moitié vide, il s’était assis à côté d’elle et avait commencé à la harceler. Il avait posé la main sur son genou et essayé d’engager une conversation du style : « Je te file 200 balles si tu viens chez moi. » Comme elle l’ignorait et ne répondait pas, il s’était fait plus pressant et l’avait traitée de salope. Qu’elle ne réponde pas et qu’elle change de siège à Centralen ne l’avait pas refroidi.

Le métro arrivait à Gamla Stan, quand il l’avait entourée de ses bras par-derrière et avait glissé les mains sous son pull, tout en lui chuchotant à l’oreille qu’elle était une pute. Lisbeth Salander n’aimait pas être qualifiée de pute par de parfaits inconnus dans le métro. Elle avait répondu par un coup de coude dans l’œil, puis elle s’était arc-boutée des deux mains sur un poteau et lui avait planté un talon sur la racine du nez. Le gars avait abondamment saigné.

Elle aurait eu la possibilité de s’échapper du wagon quand le train s’arrêta à quai, mais comme elle était habillée en punk avec des cheveux teints en bleu, un ami de l’ordre s’était jeté sur elle et l’avait bloquée à terre jusqu’à l’arrivée de la police.

Elle maudit son sexe et sa petite taille. Si elle avait été un garçon, personne n’aurait osé se jeter sur elle.

Elle ne chercha jamais à expliquer pourquoi elle avait balancé son pied dans la gueule de Karl Evert Blomgren. Elle estimait inutile d’essayer d’expliquer quoi que ce soit à une autorité en uniforme. Par principe, elle refusait même de répondre aux questions des psychologues quand ils se mettaient en tête d’évaluer son état mental. Heureusement, d’autres passagers avaient suivi le déroulement des événements, dont une femme intraitable de Härnösand qui se révéla être une députée centriste. La femme apporta immédiatement son témoignage, disant que Blomgren avait accosté Salander avant qu’elle l’attaque. Plus tard, il s’avéra que Blomgren avait déjà deux condamnations pour attentat à la pudeur et le procureur décida d’abandonner les poursuites. Cela ne signifia cependant pas que l’enquête sociale sur elle fut interrompue. Celle-ci eut pour résultat peu de temps après que le tribunal de première instance décida de déclarer Lisbeth Salander incapable. Là-dessus, elle s’était retrouvée sous la tutelle de Holger Palmgren pour commencer et ensuite de Nils Bjurman.

Et maintenant, tous ces détails intimes et protégés par le secret professionnel se trouvaient sur le Net à la vue et au su de tous. Ses états de service étaient complétés par des descriptions colorées de tous les conflits qu’elle avait connus avec son entourage depuis l’école primaire, et de son internement dans une clinique de pédopsychiatrie au début de l’adolescence.

 

 

LE DIAGNOSTIC QUE LES MÉDIAS FAISAIENT de Lisbeth Salander variait selon les éditions et les journaux. Parfois elle était décrite comme psychotique et parfois comme schizophrène avec de sérieuses tendances à la manie de la persécution. Tous les journaux la décrivaient comme mentalement attardée – elle n’avait même pas su assimiler l’enseignement du collège et elle en était sortie sans bulletin de notes. Le public ne pouvait que constater qu’elle était déséquilibrée et encline à la violence.

Lorsque les médias découvrirent que Lisbeth Salander était une amie de la lesbienne notoire Miriam Wu, un lynchage en règle se déchaîna dans plusieurs journaux. Miriam Wu s’était produite dans le show de Benita Costa pendant la Gay Pride, un show provocateur où Mimmi avait été photographiée les seins à l’air, en pantalon de cuir avec bretelles et en bottes vernies à talons aiguilles. En outre, elle avait écrit des articles dans un magazine gay fréquemment cité par les médias et à quelques reprises elle avait été interviewée pour sa participation dans différents shows. La combinaison lesbienne/tueuse en série/sexe sadomaso était apparemment imbattable pour augmenter les tirages.

Plusieurs journaux évoquèrent la possibilité que la thèse de Mia Bergman, qui traitait du commerce du sexe, ait pu pousser Lisbeth Salander à commettre les crimes, puisque au dire des services sociaux elle était une prostituée.

A la fin de la semaine, les médias découvrirent que Salander avait aussi des liens avec une bande de jeunes femmes qui flirtaient avec le satanisme. Le groupe s’appelait les Evil Fingers et cela incita un journaliste culturel mâle d’un certain âge à écrire un long texte sur l’instabilité de la jeunesse et les dangers qui se dissimulent partout, depuis la culture skinhead jusqu’au hip-hop.

A ce stade, le public était repu d’informations sur Lisbeth Salander. Si on additionnait les affirmations dans les différents médias, la police pourchassait une lesbienne psychotique membre d’une bande de satanistes qui prônait le sexe sadomaso et haïssait la société en général et les hommes en particulier. Salander s’étant trouvée à l’étranger l’année précédente, des liens internationaux n’étaient pas à exclure.

 

 

UNE SEULE FOIS, LISBETH SALANDER réagit avec une sorte d’émotion devant ce que véhiculait le bruissement des médias. Un titre attira son attention.

« NOUS AVIONS PEUR D’ELLE »

Elle menaçait de nous tuer, disent ses professeurs et camarades

Celle qui parlait était un ancien professeur, une certaine Birgitta Miåås, actuellement peintre sur soie, qui s’étalait sur Lisbeth Salander ayant menacé ses camarades de classe et racontait que même les professeurs avaient eu peur d’elle.

Lisbeth avait effectivement croisé Miåås. Leur rencontre n’avait cependant pas été d’une grande pureté.

Elle se mordit la lèvre inférieure et constata qu’elle avait onze ans à l’époque. Elle se souvenait de Miåås comme d’une remplaçante pénible en maths qui s’était entêtée à lui poser une question à laquelle elle avait déjà répondu correctement, mais faux à en croire le manuel. En réalité, le manuel se trompait, ce qui, de l’avis de Lisbeth, aurait dû être évident pour tout le monde. Mais Miåås s’était de plus en plus entêtée et Lisbeth était devenue de moins en moins disposée à discuter la question. Pour finir, elle était restée sans bouger, la bouche formant un mince trait avec la lèvre inférieure poussée en avant jusqu’à ce que Miåås, totalement frustrée, la prenne par l’épaule et la secoue pour attirer son attention. Lisbeth avait riposté en lançant son livre à la tête de Miåås, d’où un certain désordre. Elle avait craché et donné des coups de pied autour d’elle tandis que ses camarades de classe essayaient de la maîtriser.

Cet article disposait d’un grand espace dans un journal du soir et laissait aussi la place à quelques citations mises en légende d’un encadré montrant l’un des anciens élèves de sa classe posant devant l’entrée de son école de l’époque. Le garçon en question s’appelait David Gustavsson et se disait actuellement assistant financier. Il prétendait que les élèves avaient peur de Lisbeth Salander puisqu’un jour « elle avait proféré des menaces de mort ». Lisbeth se souvenait de David Gustavsson comme d’un de ses plus grands persécuteurs à l’école, un gros costaud brutal doté d’un Qi minimal et qui loupait rarement une occasion de distribuer des injures et des coups de coude dans les couloirs. Une fois il l’avait attaquée derrière le gymnase à la pause déjeuner et, comme d’habitude, elle s’était défendue. Physiquement, elle n’avait aucune chance, mais elle estimait que mieux valait mourir que capituler. L’incident avait déraillé, un grand nombre d’élèves s’étant rassemblés autour d’eux pour regarder David Gustavsson taper sur Lisbeth Salander à ne plus en finir. Cela les avait amusés jusqu’à un certain point, mais cette idiote ne comprenait pas son propre intérêt, elle restait à terre et ne se mettait même pas à pleurer ou à implorer pitié.

Un moment plus tard, les élèves eux-mêmes ne supportaient plus ce spectacle. David était tellement supérieur et Lisbeth tellement sans défense que David commença à récolter des mauvais points. Il avait démarré quelque chose qu’il ne savait pas terminer. Pour en finir, il balança à Lisbeth deux bons coups de poing dont l’un lui fendit la lèvre et l’autre lui coupa le souffle. Les autres élèves l’abandonnèrent en un tas misérable derrière le gymnase et disparurent en riant au coin du bâtiment.

Lisbeth Salander était rentrée à la maison panser ses plaies. Deux jours plus tard, elle était revenue avec une batte de base-ball. Au milieu de la cour, elle l’avait assénée sur la tête de David, sur l’oreille. Quand il fut à terre, complètement choqué, elle appuya la batte sur sa gorge, se pencha sur lui et lui chuchota que si jamais il la touchait encore, elle le tuerait. A ce moment, les adultes se rendirent compte que quelque chose se passait, et on emmena David à l’infirmerie, tandis que Lisbeth devait comparaître devant le principal pour y recevoir le verdict : punition, notification dans son dossier et poursuite des enquêtes sociales.

Pendant quinze ans, Lisbeth n’avait jamais repensé à Miåås ou à Gustavsson. Elle nota mentalement qu’il lui faudrait contrôler, dès qu’elle aurait un peu plus de temps, ce qu’étaient leurs occupations actuelles.

 

 

TOUT CE QU’ON ÉCRIVAIT sur Lisbeth Salander avait fait d’elle une célébrité nationale. Son passé était examiné et disséqué, puis publié dans le moindre détail, depuis les crises à l’école primaire jusqu’à l’internement à la clinique pédopsychiatrique de Sankt Stefan près d’Uppsala où elle avait passé plus de deux ans.

Elle dressa l’oreille quand le médecin-chef Peter Teleborian fut interviewé à la télé. Il avait huit ans de plus que la dernière fois où Lisbeth l’avait vu, à l’occasion des délibérations au tribunal d’instance pour la faire déclarer incapable. Il avait de gros plis sur le front et gratta son petit bouc en se tournant vers le reporter pour expliquer, très soucieux, qu’il était tenu au secret professionnel et ne pouvait donc pas parler d’une patiente particulière. Tout ce qu’il pouvait dire était que Lisbeth Salander était un cas très compliqué qui exigeait des soins qualifiés, et que le tribunal avait décidé, à l’encontre de sa recommandation, de la placer sous tutelle et de l’insérer dans la société au lieu de lui accorder les soins en institution dont elle avait besoin. C’était un scandale, soutint Teleborian. Il regretta que trois personnes soient mortes du fait de cette erreur d’estimation, et au passage en profita pour dénoncer les coupes dans les budgets de la psychiatrie que le gouvernement avait fait passer en force ces dernières décennies.

Lisbeth nota qu’aucun journal ne révélait que la forme de soins la plus habituelle dans le service de pédopsychiatrie fermé que dirigeait le Dr Teleborian était de placer « les patients agités et difficiles » dans une pièce dite « dépourvue de stimuli ». Cette pièce était meublée d’une couchette avec des courroies. Le prétexte scientifique était que les enfants agités ne devaient pas recevoir de « stimuli » qui pourraient déclencher des crises.

Plus âgée, elle avait découvert qu’il existait un autre terme pour la chose. Privation sensorielle. Exposer des prisonniers à une privation sensorielle était classé inhumain par la convention de Genève. C’était un élément récurrent des expériences de lavage de cerveau auxquelles s’adonnaient périodiquement différentes dictatures. Il existait des documents démontrant que les prisonniers politiques ayant avoué toutes sortes de crimes fantaisistes pendant les procès de Moscou dans les années 1930 avaient subi de tels traitements.

Quand elle vit le visage de Peter Teleborian à la télé, le cœur de Lisbeth se transforma en un gros glaçon. Elle se demanda s’il utilisait toujours le même après-rasage immonde. Il avait été responsable de ce qui était défini comme une thérapie. Elle n’avait jamais compris ce qu’ils attendaient d’elle à part que d’une façon ou d’une autre elle devait recevoir un traitement et devenir consciente de ses actes. Lisbeth avait vite compris qu’une « patiente agitée et difficile » signifiait une patiente qui remettait en question le raisonnement et le savoir de Teleborian.

Par la même occasion, Lisbeth Salander découvrit que la méthode thérapeutique la plus courante en matière de maladie mentale au XVIe siècle était encore pratiquée à Sankt Stefan au seuil du XXIe siècle.

Elle avait passé à peu près la moitié de son temps à Sankt Stefan attachée sur la couchette dans la pièce « dépourvue de stimuli ». C’était apparemment une sorte de record.

Teleborian ne l’avait jamais touchée sexuellement. Il ne l’avait jamais touchée à part dans des contextes absolument innocents. Une fois seulement, comme une remontrance, il avait posé la main sur son épaule alors qu’elle se trouvait attachée dans l’isolement.

Elle se demanda si les marques de ses dents étaient encore visibles sur la phalange de l’auriculaire de Teleborian.

Cela avait pris la tournure d’un duel où Teleborian avait toutes les cartes en main. La méthode de Lisbeth avait été de se retrancher et d’ignorer totalement sa présence dans la pièce.

Elle avait douze ans quand deux femmes policiers l’avaient transportée à Sankt Stefan. C’était quelques semaines après que Tout Le Mal était arrivé. Elle se souvenait de tout jusque dans le moindre détail. D’abord, elle avait cru que tout allait s’arranger d’une manière ou d’une autre. Elle avait essayé d’expliquer sa version aux policiers, aux assistantes sociales, au personnel de l’hôpital, aux infirmières, médecins, psychologues et même à un pasteur qui voulait qu’elle prie avec lui. Quand elle était assise à l’arrière de la voiture de police et qu’ils dépassaient le Wenner-Gren Center en route pour Uppsala, elle ne savait toujours pas où on l’amenait. Personne ne l’avait informée. C’était alors qu’elle avait commencé à se douter que rien du tout n’allait s’arranger.

Elle avait essayé d’expliquer à Peter Teleborian. Le résultat de tous ces efforts fut que la nuit de ses treize ans, elle se trouvait attachée sur la couchette.

Peter Teleborian était sans conteste le sadique le plus immonde et le plus abject que Lisbeth Salander ait rencontré de toute sa vie. A ses yeux, il surpassait Bjurman de plusieurs longueurs. Bjurman avait été un vicelard brutal mais qu’elle avait su reprendre en main. Peter Teleborian, lui, était à l’abri derrière un rideau de papiers, d’estimations, de mérites universitaires et de charabia psychiatrique. Aucun, absolument aucun de ses actes ne pouvait jamais être dénoncé ou critiqué.

L’Etat lui avait donné pour mission d’attacher des petites filles désobéissantes avec des sangles.

Et chaque fois que Lisbeth Salander était attachée sur le dos et qu’il resserrait le harnais et qu’elle croisait son regard, elle pouvait lire son excitation. Elle savait. Et il savait qu’elle savait. Le message était passé.

La nuit de ses treize ans, elle décida de ne plus jamais échanger la moindre parole avec Peter Teleborian ni avec aucun autre psychiatre ou docteur de la tête. C’était le cadeau d’anniversaire qu’elle s’offrait. Elle avait tenu sa promesse. Et elle savait que cela avait frustré Peter Teleborian, et que ça avait sans doute plus qu’autre chose contribué à ce que nuit après nuit elle soit attachée avec le harnais. Ce prix-là, elle était prête à le payer.

Elle apprit tout sur le contrôle de soi. Elle n’avait plus de crises et elle ne lançait plus d’objets autour d’elle les jours où on la sortait de l’isolement.

Mais elle ne parlait pas aux médecins.

En revanche, elle parlait poliment et sans restriction aux infirmières, au personnel de la cantine et aux femmes de ménage. Cela fut remarqué. Une gentille infirmière du nom de Carolina, pour qui Lisbeth s’était prise d’affection jusqu’à un certain point, lui avait un jour demandé pourquoi elle agissait ainsi.

Pourquoi est-ce que tu ne parles pas avec les médecins ?

Parce qu’ils n’écoutent pas ce que je dis.

La réponse n’était pas spontanée. C’était sa façon de communiquer malgré tout avec les médecins. Elle savait très bien que chaque commentaire de sa part était incorporé à son dossier et attestait ainsi que son silence était le fruit d’une décision rationnelle.

La dernière année à Sankt Stefan, Lisbeth avait été de moins en moins souvent mise en cellule d’isolement. Et quand cela se produisait, c’était toujours quand d’une façon ou d’une autre elle avait irrité Peter Teleborian, ce qu’elle réussissait toujours à faire dès qu’il posait les yeux sur elle. Il essayait sans cesse de briser son silence obstiné et de la forcer à reconnaître qu’il existait.

Un jour, Teleborian avait décidé de lui administrer un type de tranquillisant qui faisait qu’elle avait du mal à respirer et du mal à penser, ce qui à son tour avait entraîné une angoisse. Alors elle avait refusé de prendre ce médicament, d’où la décision de lui faire avaler les comprimés de force trois fois par jour.

Sa résistance avait été si violente que le personnel avait dû la maintenir d’autorité, lui ouvrir la bouche et ensuite l’obliger à avaler. La première fois, Lisbeth s’enfonça immédiatement les doigts dans la gorge et vomit le déjeuner sur l’aide-soignante la plus proche. Le résultat fut qu’on l’attachait pour lui faire ingurgiter les comprimés. Lisbeth répondit en apprenant à vomir sans avoir à mettre les doigts dans la gorge. La violence de son refus et le travail supplémentaire que cela impliquait pour le personnel aboutirent à l’interruption de l’essai.

Elle venait d’avoir quinze ans quand on l’avait ramenée à Stockholm et placée dans une famille d’accueil. Le changement l’avait prise de court. A cette époque, Peter Teleborian n’était pas encore médecin-chef de Sankt Stefan et Lisbeth Salander était persuadée que c’était l’unique raison de sa libération soudaine. Si Teleborian avait pu décider seul, elle serait encore attachée sur la couchette dans l’isolement.

Et maintenant elle le revoyait à la télé. Elle se demanda s’il espérait l’avoir de nouveau comme patiente ou bien si elle était trop âgée maintenant pour satisfaire à ses fantasmes. Sa contestation de la décision du tribunal de ne pas l’interner fut efficace et éveilla l’indignation de la femme reporter qui l’interviewait mais qui apparemment n’avait pas la moindre idée des questions qu’il aurait fallu lui poser. Personne ne pouvait se permettre de contredire Peter Teleborian. Le précédent médecin-chef de Sankt Stefan était décédé depuis. Le juge au tribunal d’instance qui avait présidé le cas Salander, et qui maintenant aurait dû en partie endosser le rôle du méchant dans le drame, était à la retraite. Il refusait d’accorder des déclarations à la presse.

 

 

LISBETH TROUVA L’UN DES TEXTES les plus déroutants dans les pages Web d’un journal local du Centre de la Suède. Elle lut le texte trois fois avant d’arrêter l’ordinateur et d’allumer une cigarette. Elle s’assit sur le coussin dans l’encoignure de la fenêtre et contempla l’éclairage public nocturne avec un sentiment de résignation.

« ELLE EST BISEXUELLE », DIT UNE AMIE D’ENFANCE.

La femme de vingt-six ans qui est pourchassée pour trois meurtres est décrite comme une personne solitaire et repliée sur elle-même, avec de grandes difficultés d’adaptation à l’école. Malgré de nombreuses tentatives pour la sociabiliser, elle est toujours restée à l’écart.

« Elle avait manifestement de gros problèmes avec son identité sexuelle, se souvient Johanna, qui fut l’une de ses rares amies proches à l’école. Très tôt il était évident qu’elle était différente et qu’elle était bisexuelle. Nous nous faisions du souci pour elle. »

Le texte continuait en décrivant quelques épisodes dont Johanna se souvenait. Lisbeth fronça les sourcils. Pour sa part, elle n’arrivait pas à se rappeler ces épisodes, ni qu’elle ait eu une amie proche qui s’appelait Johanna. Vraiment, elle n’arrivait pas à se rappeler qu’elle ait jamais eu quelqu’un qu’on pouvait qualifier d’ami proche et qui aurait essayé de l’intégrer à la société du temps de l’école.

Le texte restait flou sur l’époque où ces épisodes auraient eu lieu, mais concrètement, elle avait quitté l’école à l’âge de douze ans. Cela signifiait que sa camarade d’enfance inquiète aurait découvert sa bisexualité lors de sa première année de collège !

Dans le raz de marée déchaîné de textes délirants au cours de la semaine, l’interview de Johanna fut celui qui l’atteignit le plus. Il était si manifestement fabriqué. Soit le reporter était tombé sur une mythomane complète, soit il avait tout inventé lui-même. Elle mémorisa son nom et l’inscrivit sur la liste des objets d’étude futurs.

 

 

MÊME LES REPORTAGES COMPATISSANTS, teintés d’une pointe de critique envers le système, avec des titres tels que « Défaillance de la société » ou « Elle n’a jamais reçu l’aide dont elle avait besoin », n’arrivaient pas à diminuer son rôle comme ennemi public numéro un – une meurtrière qui dans une crise de folie avait exécuté trois citoyens honorables.

Lisbeth lut les interprétations de sa vie avec une certaine fascination et nota une lacune manifeste dans les connaissances du public. En dépit d’un accès apparemment illimité aux détails de sa vie les plus intimes et frappés du sceau du secret, les médias étaient totalement passés à côté de Tout Le Mal qui avait eu lieu juste avant ses treize ans. La connaissance de sa vie allait de l’école maternelle jusque vers ses onze ans puis reprenait lorsque, à quinze ans, on l’avait libérée de la clinique de pédopsychiatrie et placée dans une famille d’accueil.

Apparemment, quelqu’un au sein de l’enquête de police pourvoyait les médias d’informations mais, pour des raisons que Lisbeth Salander ignorait, avait décidé d’omettre Tout Le Mal. Cela l’intriguait. Si la police tenait tant à souligner sa tendance à la violence extrême, alors cette enquête-là constituait la charge la plus accablante dans son dossier, bien supérieure à toutes les bêtises de cour d’école. Il était à l’origine de son transport à Uppsala et de son internement à Sankt Stefan.

 

 

LE DIMANCHE DE PÂQUES, Lisbeth commença à établir une vue d’ensemble de l’enquête de police. Les données dans les médias lui fournirent une bonne image des participants. Elle nota que le procureur Ekström dirigeait l’enquête préliminaire, c’était en général lui qui parlait lors des conférences de presse. L’enquête sur le terrain proprement dite était menée par l’inspecteur criminel Jan Bublanski, un homme doté d’une légère surcharge pondérale et vêtu d’une veste mal taillée, qui assistait Ekström à certaines conférences de presse.

Quelques jours plus tard, elle avait identifié Sonja Modig, le seul flic femme de l’équipe et celle qui avait découvert le corps de Bjurman. Elle nota les noms de Hans Faste et Curt Bolinder, mais loupa totalement Jerker Holmberg qui ne figurait dans aucun reportage. Pour chaque individu, elle créa un dossier dans son ordinateur, qu’elle commença à alimenter de données.

Les informations sur la progression de l’enquête de police se trouvaient évidemment dans les ordinateurs dont disposaient les enquêteurs, et dont la base de données était sauvegardée dans le serveur du commissariat. Lisbeth Salander savait qu’il était extrêmement difficile de pirater le réseau interne de la police, mais nullement impossible. Elle l’avait déjà fait.

Lors d’une mission pour Dragan Armanskij quatre ans plus tôt, elle avait dressé un plan de la structure du réseau de la police et médité sur les possibilités d’entrer dans le registre des casiers judiciaires pour effectuer ses propres recherches. Elle avait lamentablement échoué dans ses tentatives d’intrusion illégale – pour cela les pare-feu de la police étaient trop sophistiqués et minés avec toutes sortes d’embûches qui pouvaient se terminer par une désagréable publicité.

Le réseau interne de la police était construit selon les règles de l’art, avec ses propres câbles, et il était à l’écart de tous branchements extérieurs et d’Internet. Autrement dit, ce qu’il faudrait était un flic ayant l’autorisation d’utiliser le réseau qui ferait une recherche à sa demande ou, deuxième possibilité, que le réseau interne de la police croie qu’elle était une personne autorisée. De ce point de vue, les experts en sécurité de la police avaient heureusement laissé ouverte une énorme porte de derrière. Un grand nombre de commissariats dans le pays étaient branchés sur le réseau central, dont plusieurs étaient de petites unités locales fermées la nuit et dépourvues d’alarme ou de surveillance. Le commissariat de proximité à Långvik près de Västerås en était un. Il occupait cent trente mètres carrés dans le même bâtiment que la bibliothèque municipale et la caisse maladie, et, dans la journée, trois policiers y assuraient une permanence.

Lisbeth Salander n’avait pas réussi à pénétrer dans le réseau pour l’enquête qu’elle menait à cette époque-là, mais elle avait décidé que cela valait le coup de consacrer un peu de temps et d’énergie à y trouver un accès pour des enquêtes futures. Elle avait réfléchi aux possibilités qui s’offraient à elle, puis elle avait fait une demande de boulot d’été comme femme de ménage à la bibliothèque de Långvik. Parallèlement au maniement des serpillières et des seaux, il lui avait fallu environ dix minutes dans les bureaux de l’urbanisme municipal pour obtenir les plans détaillés des locaux. Elle avait les clés du bâtiment mais pas des locaux de la police. En revanche, elle avait découvert qu’elle pouvait sans grande difficulté s’introduire dans le local de la police via une fenêtre de salle de bains au premier étage, qu’on laissait entrouverte la nuit en été compte tenu de la chaleur. Le commissariat n’était surveillé que par un garde de Securitas qui passait deux ou trois fois par nuit. Dérisoire.

Il lui fallut à peu près cinq minutes pour trouver le nom d’utilisateur et le mot-clé glissés sous le sous-main du bureau de l’officier de police local et environ une nuit d’expérimentation pour comprendre la structure du réseau et identifier de quel type d’accès cette personne disposait et quel type d’accès était interdit à cette équipe locale. En bonus, elle obtint aussi les noms d’utilisateurs et les mots-clés des deux autres policiers. L’un d’eux était Maria Ottosson, agent de police de trente-deux ans. Dans son ordinateur, Lisbeth découvrit que celle-ci avait demandé et obtenu un poste d’investigatrice à la brigade des fraudes à la police de Stockholm. Lisbeth toucha le jackpot avec Ottosson : l’innocente Maria avait laissé son ordinateur portable, un PC Dell, dans un tiroir du bureau qui n’était pas fermé à clé ! Maria Ottosson était donc un policier qui utilisait son PC privé au boulot. Sublime ! Lisbeth démarra l’ordinateur et inséra son CD avec le logiciel Asphyxia 1.0, la toute première version de son logiciel d’espionnage. Elle plaça le programme à deux endroits, comme part active intégrée à Microsoft Explorer et comme sauvegarde dans le carnet d’adresses de Maria Ottosson. Lisbeth se dit que si Ottosson achetait un nouvel ordinateur, elle y transférerait son carnet d’adresses, et la probabilité était grande aussi qu’elle transfère son carnet d’adresses à son ordinateur de service à la brigade des fraudes à Stockholm quand elle prendrait son poste quelques semaines plus tard.

Elle plaça également des logiciels dans les ordinateurs fixes des policiers, qui lui permettraient de venir y chercher des informations de l’extérieur. En s’appropriant tout bonnement leurs identités, elle pouvait faire des recherches dans le registre des casiers judiciaires. Par contre, il lui fallait avancer à pas de loup pour que les intrusions ne se voient pas. Le département sécurité de la police, par exemple, était doté d’une alarme automatique si un policier local se connectait hors service et si ça se répétait ou si le nombre de recherches augmentait de façon importante. Si elle péchait des informations sur des enquêtes auxquelles la police locale ne pouvait raisonnablement pas être mêlée, une alarme se déclenchait aussi.

Au cours de l’année suivante, elle avait travaillé avec son collègue hacker Plague pour prendre le contrôle du réseau de la police. La tâche s’était avérée comporter des difficultés si insurmontables qu’ils avaient fini par abandonner le projet. En cours de route, ils avaient cependant stocké près d’une centaine d’identités de policiers existantes, qu’ils pouvaient emprunter au besoin.

Plague avait franchi une belle étape quand il avait réussi à pirater l’ordinateur personnel du chef du département sécurité informatique de la police. Le gars était un consultant en économie sans grandes connaissances en informatique, mais disposant d’une profusion d’informations dans son ordinateur portable. S’ils ne pouvaient pas pirater totalement le réseau de la police, Lisbeth et Plague étaient au moins en mesure de l’infester de virus malveillants de différents types – activité que ni l’un ni l’autre n’avait le moindre intérêt à mener. Ils étaient des hackers, pas des saboteurs. Ils voulaient l’accès aux réseaux, pas les détruire.

Lisbeth Salander contrôla sa liste et constata qu’aucune des personnes dont elle avait volé l’identité ne travaillait sur l’enquête du triple meurtre – ç’aurait été trop inespéré. Par contre elle pouvait sans problèmes majeurs entrer lire les détails de l’avis de recherche national, y compris les mises à jour la concernant. Elle découvrit qu’on l’avait aperçue et pourchassée entre autres à Uppsala, Norrköping, Göteborg, Malmö, Hässleholm et Kalmar, et qu’une mise à jour secrète travaillée au morphing et donnant une meilleure idée de son apparence physique avait été diffusée.

 

 

L’UN DES RARES AVANTAGES de Lisbeth, considérant l’attention que lui consacraient les médias, était qu’on disposait de très peu de photos d’elle. A part la photo d’identité vieille de quatre ans de son passeport et de son permis de conduire, et une photo dans le registre de la police où elle était âgée de dix-huit ans (et totalement méconnaissable), il n’y avait que quelques photos éparses tirées de vieux albums de photos et des clichés pris par un prof lors d’une excursion dans la réserve naturelle de Nacka quand elle avait douze ans. Les photos de l’excursion montraient un personnage flou assis tout seul à l’écart des autres.

La photo du passeport la montrait avec des yeux fixes et écarquillés, la bouche comme un mince trait et la tête légèrement inclinée, ce qui confirmait l’idée d’une meurtrière asociale arriérée, et les médias multipliaient le message à l’envi. La seule chose positive avec cette photo était qu’elle y était si méconnaissable que peu de gens la reconnaîtraient dans la vie réelle.

 

 

ELLE SUIVIT AVEC INTÉRÊT les profils qu’on dressait des trois victimes. Le mardi, les médias commencèrent à faire du sur-place et, en l’absence de nouvelles révélations sensationnelles dans la chasse à Lisbeth Salander, l’intérêt se recentra sur les victimes. Dag Svensson, Mia Bergman et Nils Bjurman étaient décrits dans un long article de fond d’un des journaux du soir. Le message qui en ressortait était que trois citoyens honorables avaient été abattus pour des raisons incompréhensibles.

Nils Bjurman y faisait figure d’avocat respecté et socialement engagé, membre de Greenpeace et déployant « un vrai engagement pour les jeunes ». Une colonne était consacrée à l’ami proche et collègue de Bjurman Rune Håkansson, qui avait son bureau dans le même immeuble que Bjurman. Håkansson confirma l’image de Bjurman homme attaché à la défense des droits des petites gens. Un fonctionnaire à la commission des Tutelles parlait de « son engagement authentique pour sa protégée Lisbeth Salander ».

Lisbeth Salander esquissa son premier sourire en coin de la journée.

Un grand intérêt se portait sur Mia Bergman, la victime féminine du drame. Elle était décrite comme une jolie jeune femme dotée d’une intelligence rare, pourvue d’une liste de mérites déjà impressionnante et devant laquelle s’ouvrait une carrière brillante. Des amis choqués, des camarades de cours et son directeur de thèse étaient cités. La question habituelle était « pourquoi ? » Des photos montraient des bouquets de fleurs et des bougies allumées devant le portail de son immeuble à Enskede.

En comparaison, on consacrait peu d’espace à Dag Svensson. Il était décrit comme un reporter perspicace et courageux, mais sa compagne lui ravissait la vedette.

Lisbeth nota avec une légère surprise qu’il fallut attendre jusqu’au dimanche de Pâques avant que quelqu’un découvre que Dag Svensson travaillait sur un grand reportage pour le magazine Millenium. Sa surprise grandit quand elle vit que rien n’était dit sur la nature exacte de son travail.

 

 

ELLE NE LUT JAMAIS LES PROPOS de Mikael Blomkvist dans l’édition Web d’Aftonbladet. Ce fut seulement tard le mardi, quand ses déclarations furent reprises par un journal télévisé, qu’elle se rendit compte que Blomkvist leur avait balancé des informations carrément erronées. Mikael prétendait que Dag Svensson avait été engagé pour écrire un reportage sur « la sécurité informatique et l’intrusion informatique illégale ».

Lisbeth Salander fronça les sourcils. Elle savait que son affirmation était fausse et se demanda à quel jeu jouait Millenium. Puis elle comprit le message et esquissa le deuxième sourire en coin de la journée. Elle se connecta au serveur en Hollande et double cliqua sur l’icône intitulée MikBlom/laptop. Elle trouva le dossier [LISBETH SALANDER] et le document [Pour Sally] bien en vue au milieu du bureau. Elle double cliqua et lut.

Ensuite, elle resta immobile un long moment devant la lettre de Mikael. En elle s’affrontaient des sentiments contradictoires. Jusque-là, elle avait eu contre elle la totalité de la Suède, ce qui dans sa simplicité était une équation relativement nette et compréhensible. Maintenant, elle se retrouvait brusquement avec un allié, ou au moins un allié potentiel qui affirmait qu’il la croyait innocente. Et il fallait évidemment que ce soit le seul homme en Suède qu’en aucun cas elle ne voulait voir. Elle soupira. Mikael Blomkvist était comme toujours une foutue bonne âme bourrée de naïveté. Lisbeth Salander n’avait pas été innocente depuis ses dix ans.

Les innocents, ça n’existe pas. Par contre, il existe différents degrés de responsabilité.

Nils Bjurman était mort parce qu’il avait choisi de ne pas jouer selon les règles qu’elle avait édictées. Il avait eu toutes ses chances, et pourtant il était allé engager un putain de mâle anabolisé pour lui faire du mal. Elle n’y était pour rien.

Mais il ne fallait pas sous-estimer l’apparition sur scène de Super Blomkvist. Il pourrait être utile.

Il était doué pour les devinettes et son obstination était incomparable. Elle avait appris ça à Hedestad. Quand il se mettait quelque chose sous la dent, il tenait bon, quitte à se ramasser. Quelle naïveté ! Sauf qu’il était libre de ses mouvements quand pour sa part elle devait rester invisible. Elle pourrait se servir de lui jusqu’à ce qu’elle puisse tranquillement quitter le pays. Et elle se disait qu’elle n’allait pas tarder à être obligée de le faire.

Malheureusement, Mikael Blomkvist était ingouvernable. Il fallait qu’il ait envie lui-même. Et il avait besoin d’un prétexte moral pour agir.

Autrement dit, il était assez prévisible. Elle réfléchit un moment, puis elle créa un nouveau document qu’elle baptisa [Pour MikBlom] et elle écrivit un seul mot.

 

[Zala.]

 

Cela devrait lui donner de quoi réfléchir.

Elle était toujours en train de gamberger quand elle se rendit compte que Mikael Blomkvist venait d’allumer son ordinateur. Sa réplique vint peu de temps après qu’il avait lu sa réponse.

 

[Lisbeth,

Quelle foutue nana compliquée tu fais. Qui est ce Zala ?

C’est lui, le lien ? Sais-tu qui a tué Dag & Mia et, dans ce cas, dis-le-moi pour qu’on puisse démêler ce merdier et rentrer dormir. Mikael.]

 

OK. Le moment était venu de le ferrer.

Elle créa un autre document et le baptisa [Super Blomkvist]. Elle savait que cela allait l’agacer. Puis elle écrivit un court message.

 

[C’est toi le journaliste. T’as qu’à le trouver.]

 

Comme prévu, il répliqua tout de suite en lui demandant de revenir à de bons sentiments et de préciser. Elle sourit et ferma le disque dur de Mikael.

 

 

AU POINT OÙ ELLE EN ÉTAIT DE SES INTRUSIONS, elle continua et ouvrit le disque dur de Dragan Armanskij. Elle lut pensivement le rapport qu’il avait dressé sur elle le lundi de Pâques. Le destinataire du rapport n’était pas mentionné, mais elle se dit que la seule possibilité était qu’Armanskij collaborait avec les flics pour qu’elle soit coincée.

Elle passa un moment à parcourir le courrier électronique d’Armanskij, mais ne trouva rien d’intéressant. Elle s’apprêtait à quitter le disque dur quand elle tomba sur le mail adressé au responsable technique de Milton Security. Armanskij demandait l’installation d’une caméra de surveillance cachée dans son bureau.

Eh là ! Eh là !

Elle vérifia la date et constata que le mail avait été envoyé à peine une heure après sa visite amicale fin janvier.

Cela signifiait qu’elle devait réajuster certains processus du système automatique de surveillance avant d’entreprendre de nouvelles visites dans le bureau d’Armanskij.

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